Avant-propos
Pourquoi aborder la finance sous l’angle de l’éthique ? De façon générale, nous ne savons pas où est redirigé l’argent que nous mettons sur nos comptes (courant et épargne), c’est-à-dire dans quel projet notre banque décide de l’investir. Nos banques ont une empreinte carbone indirecte, du fait de leurs financements et investissements, qu’il nous est difficile de mesurer. Leur modèle actuel, loin d’être transparent, ne nous permet pas d’en voir les coulisses.
Ainsi, on peut être irréprochables et penser avoir une faible empreinte carbone, en ayant par exemple opté pour une mobilité douce, en mangeant bio, local et de saison, en achetant en vrac et d’occasion… ET être le client d’une banque dont le fonctionnement est climaticide !
Avant d’aller plus loin, nous vous invitons à évaluer l’empreinte carbone de vos comptes bancaires grâce au calculateur développé par Oxfam France à l’occasion de son tout nouveau rapport.
L’empreinte carbone des banques
En 2018, les émissions de gaz à effet de serre de la France s’élevaient à 445 millions de Tonnes de CO2 (ou équivalents) selon le Ministère de la Transition écologique et solidaire (1). Ce chiffre est obtenu par une évaluation des émissions directes générées sur le territoire français dans les secteurs de l’énergie, du transport, de l’agriculture (etc.), mais il ne prend pas en considération les émissions dont se rendent responsables nos banques.
Selon Oxfam France pour cette même année, les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des six principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Banque Populaire Caisse d’Epargne, Crédit Mutuel et Banque Postale – s’élèvent à 3,3 milliards de tonnes équivalent CO2 par an, soit 7,9 fois les émissions de la France.
Si ces six banques françaises continuaient de financer une économie carbonée comme elles le font à ce jour, cela conduirait à un réchauffement de plus de 4°C d’ici à 2100, loin de l’objectif de 1,5°C encouragé par les scientifiques. Plus précisément, la Banque postale, le Crédit Mutuel et la BPCE se positionneraient sur un réchauffement entre 3 et 4°C d’ici 2100, tandis que Crédit Agricole, BNP Paribas et Société Générale se dirigeraient vers un réchauffement compris entre 4 et 5°C. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants que ces banques se sont publiquement engagées, au moment de la COP21 il y a cinq ans, à s’aligner avec l’Accord de Paris. Une promesse pour le moins ironique : aucune d’entre elles ne s’est désengagée depuis auprès des projets de gaz et de pétrole qu’elles soutiennent respectivement.
Voici quelques exemples des projets à fort impact environnemental soutenus par les trois banques françaises les plus polluantes :
Ainsi, l’empreinte carbone de ces banques est essentiellement liée aux énergies fossiles, dont elles dépendent tout particulièrement.
Très concrètement, si vous détenez 25.000€ à la Société Générale (compte courant et épargne confondus), votre empreinte carbone (en tonnes équivalents C02) est la même que celle de 6 appartements avec chaudière à gaz pendant 1 an ! (2)
Agissons !
Qu’est-ce qu’une banque éthique ?
Une banque dite éthique fait partie de la Fédération des banques européennes des banques éthiques et alternatives. Il en existe plusieurs en Europe (et notamment, pour les francophones qui nous lisent, au Luxembourg, en Belgique…). Elle doit respecter un certain nombre de critères, dont le financement de projets environnementaux, sociaux ou culturels, la transparence totale ainsi que la garantie d’indépendance (4).
Agir en interpellant sa banque :
- Vous pouvez téléphoner à votre conseiller bancaire et lui demander où est placé votre argent,
- Et préférer le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) plutôt que le Livret A. Ce Livret est proposé par tous les établissements bancaires.
Agir en se tournant vers des banques plus vertueuses :
Les deux banques les moins émettrices de CO2 recommandées par Les Amis de la Terre sont La NEF et le Crédit Coopératif, d’une part parce qu’elles sont les seules à avoir communiqué des données détaillées sur leur activité, et d’autre part parce qu’elles sont toutes deux positionnées sur le financement de l’économie sociale et solidaire (et notamment de projets écologiques).
- Pour l’épargne seule : LA NEF
Ancrée dans l’économie locale, la NEF est une coopérative financière qui offre des solutions d’épargne et de crédit uniquement orientées vers des projets ayant une utilité écologique (soit plus de 70% des projets soutenus par la NEF), sociale et culturelle. Créée en 1988, elle est basée sur le modèle de banques avant-gardistes allemandes et hollandaises (des années 1980-1990). Sa réputation grandissante est liée à l’engouement général pour l’écologie et à l’agrément donné par la banque de France il y a trois ans pour l’ouverture d’un livret. Si la NEF ne propose pas à ce jour de compte courant, c’est qu’elle n’a pas obtenu les autorisations de la Banque de France qui lui permettrait d’officier comme établissement bancaire. Son statut coopératif et son agrément ESUS permet de limiter l’enrichissement de ses membres et représentent en cela de vrais gardes-fou). (4)
- Pour le compte courant et l’épargne : LE CRÉDIT COOPÉRATIF
Cette banque exclut le financement du secteur pétrolier et des industries polluantes. Elle se tourne principalement vers les PME et le secteur associatif.
Si aucune de ces deux alternatives ne vous convient, mais que vous souhaitez quand même vous dirigez vers des banques moins polluantes, tournez-vous vers le Crédit Mutuel ou la Banque Postale qui sont moins émettrices que les trois structures citées plus haut.
Conclusion sur la finance éthique
Nous espérons que cet article vous aura convaincu.e.s, intéressé.e.s, touché.e.s… notre objectif est en aucun cas de vous faire culpabiliser, simplement de vous informer et de vous encourager à aller toujours plus loin dans la mesure du possible ! Quoi qu’il en soit, soyez à l’aise avec votre démarche : si vous choisissez d’agir pour le changement, placez votre curseur là où il vous convient le plus, pour que votre geste soit juste pour vous-même avant toute chose…
Sources
(1) Article “Baisse de 4,2 % des émissions de gaz à effet de serre de la France en 2018“, Ministère de la Transition écologique et solidaire, 18 juin 2019
(2) Rapport “Banques : des engagements climat à prendre au 4ème degré“, Oxfam France, octobre 2020, données issues des évaluations de Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé sur la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique.
(3) Guide “Climat : comment choisir sa banque ?“, Les Amis de la Terre, 2015
(4) IGTV @dearlobbies x @lanef, “Point sur la finance éthique“, 12 novembre 2020
Pour aller plus loin
(5) Rapport “La colossale empreinte carbone des banques, une affaire d’état“, Les Amis de la Terre & Oxfam France en novembre 2019
(6) Site Finance Watch (en anglais)
(7) Article “Le prix de l’influence” d’Olivier Petitjean, 9 novembre 2020
(8) IGTV de @girl_go_green, “comment ouvrir un livret à la NEF en 10 minutes“, 6 novembre 2020