Apparus depuis une vingtaine d’années, les jardins partagés s’incorporent d’avantage chaque année dans nos territoires, permettant des dynamiques nouvelles. Ils se définissent comme des jardins ruraux ou urbains gérés en commun par un groupe d’habitants, englobant des enjeux multiples et contribuant à leur manière au développement d’une transition durable et respectueuse de notre environnement.
Toutefois les jardins partagés sont encore peu connus du grand public et méritent un petit article pour vanter les qualités et retracer leur chronologie.
Un peu d’histoire
Les jardins partagés existent depuis le Moyen Âge où toutes les terres étaient détenues par des seigneurs. Durant cette époque il était possible d’observer des communautés villageoises se rebeller et se regrouper sur des terres collectives afin de défendre leurs droits d’usage. De même, au cours de la Première Révolution anglaise (1641-1649), c’est encore une rébellion contre le pouvoir qui pousse les « bêcheux », à accaparer des terres afin de protester contre l’appropriation privée de biens communaux. Puis avec la la révolution industrielle, au début du xixe siècle apparaît les premiers jardins ouvriers officiels sous le nom de « champs des pauvres » en Angleterre et de « jardins des pauvres» en Allemagne afin que les populations les plus défavorisées puissent y cultiver ce qui est nécessaire à leur survie.
La création des premiers jardins ouvriers en France sont amenés par l’abbé Volpette à St Etienne en 1894, puis repris et très largement amplifiée par l’abbé Lemire à partir de 1896. La naissance de ces jardins était avant tout destinée à répondre à une crise sanitaire mais aussi pour des raisons économiques. L’abbé Lemire poursuivait plusieurs objectifs au travers de ces jardins ouvriers. Ils donnaient l’accès à un air sain, au moins le dimanche, aux familles d’ouvriers vivant dans des habitations humides contaminés par la tuberculose et permettaient un apport alimentaire.
Le développent des jardins ouvriers va conduire à l’instauration de la Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer qui prendra bientôt une ampleur nationale. En 1921 elle deviendra la Fédération nationale des jardins ouvriers et recensera plus de 47 000 jardins ouvriers. À son apogée, en 1945, à l’époque ou la guerre et ses privations avaient incité les habitants des villes à investir l’espace public, elle comptera plus de 250 000 parcelles sur le territoire français. En 1952, un nouveau type de jardins fait son apparition, les « jardins familiaux », destinés à des familles aux revenus souvent modestes de se procurer légumes et fruits frais en les cultivant eux-mêmes.
Avec les années 1970 et l’essor du développement économique, l’intérêt pour ce type d’initiative connaît un fort déclin en France. C’est pour la première fois, à New York que des citoyens lassés des friches urbaines qui les entourent, investissent ces dernières pour les transformer en jardins de quartiers communautaires, créant ainsi les premiers “community gardens” urbains et donc les premiers exemples de jardins partagés au sens moderne du terme.
Le déploiement des jardins partagés
La notion de jardin partagé fait son apparition plus tardivement en France, à la fin des années 1990, avec l’appui de la Fondation de France. Les fondateurs du réseau venaient d’horizons très différents (éducation à l’environnement, insertion, sociologie, militants écologistes, acteurs associatif…), tous souhaitant participer à une dynamique d’échanges et de réflexion autour de thématiques et objectifs divers mais possédant des valeurs communes comme :
1/ les aspects sociaux, avec l’appropriation du cadre de vie par tout citoyen sans discrimination, la possibilité pour les personnes en difficulté de retrouver une utilité sociale, partager des moments conviviaux entre habitants et partager leur savoir-faire, découvrir et aménager un espace collectivement.
2/ les aspects environnementaux, avec la découverte du jardinage et du compostage, en apprenant l’agriculture biologique et la permaculture, en reconnaissant les plantes et leur cycle de vie ou encore de se sensibiliser à la biodiversité locale.
Parler de la « multifonctionnalité des jardins » est d’autant plus pertinent qu’ils sont associés à pas moins de huit sphères d’intervention dans la littérature scientifique, avec l’aménagement urbain, l’environnement, l’économie, la sécurité alimentaire, la santé, les loisirs, l’éducation et les interactions sociales. Les jardins urbains sont ainsi des lieux médians entre ville, nature et agriculture, au service de la biodiversité, tout en contribuant au bien-être physique, mental et social des jardiniers. Ce sont de réels lieux d’initiatives citoyennes.
Il est difficile d’estimer le nombre de jardins partagés dans toute la France, mais peuvent se compter en dizaine de milliers avec des superficies variables en fonction de chaque lieu. Les jardins jouent un rôle de plus en plus essentiel dans nos communautés, suscitant un intérêt grandissant partout sur le territoire. Développer ces initiatives ne peut être que bénéfique, promettant un avenir des plus radieux pour les personnes impliquées.