Construire un nouvel avenir

Image par Arek Socha de Pixabay

L’Humanité rentre dans un tournant majeur de son histoire. Depuis quelques semaines déjà, le Covid-19, plus connu sous le nom de Coronavirus sévit dans le monde entier et bouleverse nos sociétés.

Cette situation inédite inquiète : c’est normal. Toutefois c’est aussi une occasion de requestionner et repenser nos modèles de vie et de consommation.

L’équipe J’aime le vert lance une nouvelle rubrique « Construire un nouvel avenir » avec pour ambition de traiter des thématiques plurielles, tournées vers les questions de résilience territoriale et de développement durable bénéfique. Ces rubriques regrouperont des aspects interdépendants que nous essaierons d’aborder d’une manière relativement large.

Depuis le premier mars, le projet citoyen « défi alimentation positive » a été lancé avec une quinzaine de familles avec pour souhait de changer les pratiques alimentaires, plus respectueuses pour l’environnement et bénéfique pour la santé en réduisant également le gaspillage alimentaire. Ainsi, pour rester dans cette thématique nous avons décidé d’écrire notre premier article sur cette problématique de l’alimentation.

Bonne lecture !

REPENSER NOTRE ALIMENTATION

Un constat préoccupant…

Dérèglements climatiques, diminution de la biodiversité, appauvrissement des sols, pollution des eaux, déclin des pollinisateurs, insécurité alimentaire, mal-être des agriculteurs ou encore maladies des consommateurs. Cette liste non-exhaustive n’est pas nouvelle et rend compte d’un modèle de consommation non adapté d’une part pour notre planète mais aussi pour nous en tant qu’espèce humaine. La surconsommation est la première cause de tous ses effets. Pour « mesurer l'”empreinte écologique” de l’activité humaine, soit la surface biologiquement productive de terre et d’eau nécessaire à un certain mode de vie, permet de s’en rendre compte : pour exemple, entre 1961 et 2007, l’Amérique du Nord a vu sa population augmenter de presque 40%, alors que son empreinte écologique, elle, a bondi de 160 %. La spectaculaire progression de l’impact environnemental des Nord-Américains durant cette période doit donc d’abord et avant tout être attribuée à une hausse de la consommation de ressources par personne plutôt qu’à celle de la population. Avec pour résultat qu’en 2007 l’Amérique du Nord comptait pour 5 % de l’humanité, mais pour 17 % de son empreinte écologique ». 1 Si les 7 milliards d’êtres humains consommaient comme l’Amérique du Nord, nous serions déjà trop nombreux sur terre. Le problème de la surconsommation se traduit par un gaspillage alimentaire démesuré (CF article: Evitons le gaspillage alimentaire), avec plus de 41,200 kilos de nourriture jetés chaque seconde dans le monde. Cela représente un gaspillage alimentaire de 1,3 milliard de tonnes d’aliments par an, soit 1/3 de la production globale de denrées alimentaires dédiée à la consommation.Ce constat est d’autant plus problématique lorsque nous savons que des pays en voie de développement luttent contre la malnutrition et le manque d’accessibilité aux ressources de premières nécessités. (On estime à plus 820 millions, le nombre de personnes qui n’ont pas eu assez à manger en 2018).

et des raisons d’y croire !

Cependant, il est encore possible d’inverser cette tendance, que ce soit pour nourrir l’ensemble de la population mondiale en œuvrant pour une transition des modèles agricoles (organiser une meilleure gouvernance des politiques agricoles au niveau international, lutter contre les accaparements de ressources naturelles etc.2), pour réduire notre impact environnemental sur une échelle locale et mondiale ou encore contribuer à améliorer notre santé. Que du positif !

En Inde, le projet « Graines de l’Espoir » mené par l’association SOL et soutenu par la Fondation Terra Symbiosis s’est donné pour objectif  de développer l’autonomie économique, alimentaire et la résilience aux changements climatiques des petites communautés paysannes de la vallée de Dehradun au nord du territoire. Plus de 700 paysannes et paysans ont suivi des formations à l’agroécologie pour enrichir leurs techniques de culture et favoriser une agriculture locale respectueuse de l’environnement. Grâce à ces formations, elles ont gagné en autonomie alimentaire de par la production de leurs jardins potagers. Certaines arrivent même à produire plus qu’elles ne consomment avec les surplus vendus sur les marchés locaux. Ce projet démontre l’intérêt de revenir à une agriculture et une alimentation davantage territorialisée, et ce encore plus dans cette “étrange” période que nous vivons actuellement.

1 Tribune Le Monde (1/11/2011) : Frédéric Julien, doctorant en science politique

2 Terre solidaire : En finir avec la faim dans le monde

Re-territorialiser son alimentation

La crise du Coronavirus sonne aujourd’hui comme un avertissement. Déjà, en 2008, le chercheur en sciences sociales et ancien conseiller général de l’Aude, Stéphane Linou, avait envisagé la menace d’une pandémie grippale qui bloquerait les approvisionnements. Pour mesurer le degré d’autonomie alimentaire dans l’hypothèse d’un tel scénario, il avait fait l’expérience de se nourrir, pendant une année entière, exclusivement avec des produits issus d’une zone d’un rayon de 150 km autour de son lieu d’habitation (Castelnaudary). Il en avait conclu que nos territoires, même ruraux, ne sont plus autonomes et donc vulnérable, du fait d’une production et d’une consommation déterritorialisée. L’autonomie alimentaire ne représente que 2% dans les aires urbaines.

La problématique d’autonomie alimentaire fait écho à de nombreux enjeux de résilience des territoires :

  • Réduire les émissions de CO2 et autres impacts, diminuer la vulnérabilité et la dépendance aux matières premières importées, sécuriser les approvisionnements, assurer une meilleure qualité et traçabilité des produits consommés, assumer sa consommation, et la pollution associée et chercher à mieux y répondre localement, créer de l’emploi sur le territoire (de nouveaux marchés et opportunités locales pour ceux désireux de travailler les « niches agro-alimentaires locales », développer du lien social (une économie locale plus inclusive qui laisse de la place pour tous et donne une mission concrète aux agriculteurs locaux : nourrir le territoire et entretenir ses paysages.

En France, comme dans d’autres pays, des acteurs de territoires construisent des projets « agri-alimentaires territoriaux ». C’est le cas dans où sont mises en œuvre des stratégies alimentaires urbaines visant à renforcer l’accessibilité à des aliments sains et durables (Reynold, 2010). De telles stratégies territoriales émergent aussi dans des territoires ruraux, et englobent d’ailleurs parfois d’autres enjeux au-delà de l’agriculture et de l’alimentation.

Si l’épisode du Covid-19 ne menace pas l’approvisionnement du territoire il permet néanmoins de mettre en lumière quelques problématiques qui pourraient s’accentuer dans un avenir plus ou moins proche. Cette crise permet même de mettre en place des actions de reterritorialisation, directement dans les canaux de grande distribution. En effet, mercredi 25 mars, les supermarchés de France basculent vers des fruits et légumes 100% français1.

Reterritorialiser, c’est aussi faire face à l’artificialisation croissante des terres agricoles. En effet, la relocalisation de la production alimentaire à proximité du lieu de consommation permet de limiter l’étalement urbain et participe à la préservation des terres agricoles françaises qui perdent plusieurs milliers d’hectares chaque année (selon l’Agreste, plus de 40 000 hectares de terres agricoles entre 2004 et 2016). Il ne s’agit pas de tout produire localement, mais plutôt de s’adapter aux nouvelles conditions climatiques, sanitaires, au type de sol ou encore à la topographie. La spécialisation agricole a du bon lorsqu’elle est réfléchie et permet d’économiser des ressources.

1 Les Echos  : Les supermarchés basculent vers 100 % de fruits et légumes français

L’autosuffisance alimentaire, utopie ou réalité ?

« Autosuffisance alimentaire », voici un concept émergeant qui se fait une petite place dans le vocabulaire commun. Mais que signifie-t-il ? Pour VerticoLab : « L’autosuffisance alimentaire est la capacité d’un territoire à répondre aux besoins alimentaires de sa population par ses propres ressources et sa propre production. Bien plus ambitieuse qu’un simple soutien aux circuits courts et à l’agriculture locale, une politique visant l’autosuffisance alimentaire suppose un engagement important de l’ensemble des acteurs du territoire, des producteurs aux consommateurs.»

En France, la commune d’Albi est précurseur en la matière est a déjà entamé des expérimentations. Elle s’est fixée pour 2020 de permettre à l’ensemble de sa population de se nourrir de denrées produites dans un rayon de 60km. Ce projet a trois finalités : réduire l’impact carbone lié au transport de marchandises, sécuriser les approvisionnements en cas de crise alimentaire, et s’assurer d’une meilleure qualité des produits consommés.

  • Pour mettre en œuvre cette politique ambitieuse, la ville d’Albi a déjà préempté 73 hectares de friches afin de les proposer à la location aux agriculteurs à hauteur de 70€ par an et par hectare. En échange, les exploitants s’engagent à pratiquer une agriculture biologique et à vendre leur production dans un rayon de 20km. Au bout de quatre mois, 8 hectares avaient déjà été cédés et 7 emplois avaient été créés.

En réalité il semble complexe d’arriver à un système auto-suffisant, car le taux de production alimentaire français repose toujours sur une agriculture et des modes de productions industriels dépendent majoritairement des énergies fossiles : machines, engrais, pesticides, transport des marchandises, qui sont, elles, importées. Il s’agit donc de requestionner et de repenser nos modes de productions et de consommations si notre souhait est de tendre vers ce genre d’alternative.

Revenir vers une agriculture plus traditionnelle et ré-expérimenter des méthodes telles que la permaculture par exemple, mais aussi développer, avec les nouvelles technologies, des façons de cultiver durablement. Il ne faut pas forcément voir l’autosuffisance alimentaire comme un objectif en soi mais plutôt comme le moteur d’une dynamique de relocalisation alimentaire intelligente, souhaitant économiser le foncier tout en optimisant la production en fonction du type de sol, du climat et en minimisant les impacts environnementaux tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Pour ce faire, chacun doit agir à son échelle et sensibiliser tout autour de soi.

Une bonne alimentation pour une bonne santé ?

Si la thématique alimentaire englobe bien des enjeux économiques, territoriaux et environnementaux, elle joue également un rôle sur la santé. Nous le savons aujourd’hui, bien qu’il soit encore difficile de décrire les mécanismes biologiques capables d’expliquer les effets complexes de la nutrition sur la santé, de nombreuses études ont permis d’établir qu’une alimentation suffisamment équilibrée et diversifiée reste indispensable à la croissance, au maintien de l’immunité, à la fertilité ou encore à un vieillissement réussi (performances cognitives, entretien de la masse musculaire, lutte contre les infections…).

La nutrition constitue de ce fait un levier pour améliorer le niveau de santé de la population. Ainsi, le Programme national nutrition santé (PNNS) propose depuis 2001 des recommandations nutritionnelles pour prévenir l’apparition de certaines maladies et promouvoir la santé publique. Ces recommandations sont assorties de repères visant à favoriser une consommation adéquate des différents types d’aliments et la pratique régulière d’une activité physique. Les repères proposés permettent de couvrir les besoins nutritionnels de la quasi-totalité de la population.

Il est donc important de se diriger vers une alimentation variée avec quantités adaptées, en privilégiant les aliments bénéfiques à notre santé (fruits, légumes, féculents, poissons…) et limiter les produits trop sucrés (confiseries, boissons sucrées…), trop salés (gâteaux apéritifs, chips…), trop gras (charcuterie, beurre, crème…), ou transformés.

En France, de nombreuses initiatives se développent depuis quelques années pour repenser notre alimentation. Les jardins partagés fleurissent à nouveau en ville, des projets agroforestiers voient le jour, les AMAP et marchés bio en circuits courts sont de plus en plus plébiscités. J’aime le vert tente également à son échelle de contribuer à cette dynamique avec la mise en place d’ateliers, de conférences, d’un défi alimentaire, mentionné précédemment ,ou encore une cartographie interactive pour le département du 94.

Le domaine alimentaire est constitué de nombreux points interdépendants qui nécessitent un travail de fond. L’important est d’y aller à son rythme, et de sensibiliser autour de soi pour permettre le développement de solutions concrètes et durable.

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter directement notre site et/ou adhérer à notre association.

Suivez-nous également sur les réseaux sociaux